Suzanne

Publié le par Lita.s

Suzanne était mon professeur de théâtre. Elle m'a beaucoup appris et puis un journ,lorsque j'ai voulu prendre mon envol porter ma propre lumière... End of story. Je ne regrette rien. Je crois bien qu'aujourd'hui elle me hait... moi pas. La haine n'est jamais mon énergie.

Pour elle, j'avais écrit ces mots. Je n'en ôterai rien.

"Entre les lignes, entre les parenthèses..."

Une parenthèse.
Comme serait celle du thé et de l'âtre,
le temps de prendre le temps,
la touche sur "pause"
on botte en touche,
à la trappe le boulor, les emmerdes...
Devant l'âtre, on tourne lentement la petite cuillère dans le bol de grand-mère
et on regarde les colutes s'échapper dans l'air en inspirant un peu
puis en soufflant bien fort, les orteils au ras des braises.
Le thé et l'âtre, pourquoi pas mais...

Entre les maux, une parenthèse,
celle du lundi soir.
Derrière la porte, des voix, des souffles, des corps, des coeurs...
Théâtre Le Rondeau.
Je ne les connais pas.
Je ne les sais pas,
ce rai de lumière rouge sur une chevelure brune,
ces femmes, ces jeunes filles,
tiens ! un jeune homme...
Certains s'embrassent, heureux de se retrouver là
et partageant déjà une émotion dont je sens qu'elle va très vite me toucher.

Ici, tout parle, tout dit,
de la tête aux pieds.
Et avec la musique, sur elle, par elle
"... Un truc là qui claque..."
tandis qu'elle met en mouvement le corps,
le décrasse, le délasse et l'aide à se dire.
La transe qui finit par nous traverser crée le lien qui, entre nous se tisse,
bien avant les mots.
Les chamans savent ça.

"Entre les lignes, entre les parenthèses...
une femme qui a de jolies jambes..."

Et puis vient la voix, pas encore pour dire,
juste pour réveiller la vie, là aussi.
Les voix, la tienne, la mienne, la nôtre,
une même voix qui naît, enfle, reflue, enlace, berce, trébuche, crie, murmure...
une musique,
un chant unique où s'entendent les accents et les émois de chacun.
Et moi, je me fonds dans ce cercle, dans ce rond d'Ô,
étonnée par la puissance de ces petits moments-là.

Sur le bord de ce rond d'âmes,
le rai de lumière rouge frémit,
se froisse ou se dresse
dans la chevelure brune et lisse.

Et viennent les mots.
Car le théâtre c'est ça aussi, bien sûr.
Des mots pour dire,
très simplement ou tout autrement,
des mots à écouter,
à voir vivre, à danser...
A jouer.
"... et avec des petits ciseaux, on couperait tout ce qui dépasse..."
Son front se plisse sous la frange.
Elle dit : "... Respire ! Vas-y ..."
Un sourire, une émotion, un rire, deux, deux mains qui claquent...

Et puis le Tango de Roxane, un brin de Gavalda, de Yasmina Reza...
Elles se prénomment Marine, Delphine, Ayat...
En chemin, nous avons perdu les hommes,
cela arrive parfois.
A toutes, merci de me faire partager vos "moi",
le plaisir d'un bain d'âmes.

Suzanne, si je l'ai oubliée ?
Vous n'étiez pas attentifs !

Dans les lignes, dans la parenthèse,
"...Entre les lignes, entre les parenthèses...",
le rai de lumière rouge dans ses cheveux...
Suzanne.

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