La papillonne
Une papillonne en cage tourne,
tourbillonne, froisse ses ailes en volant trop près des fins barreaux,
tord ses antennes, se cogne et tombe, pantelante, sur le sol rugueux.
A-t-elle perdu le nord ? Cette papillonne déjà découplée, si sûre de son vol, si habile à se sortir des situations les plus périlleuses est comme épinglée. D'ordinaire, en ces occasions où s'aiguisent ses appétits, elle sait ramener le calme en elle et c'est à peine si un poudroiement inhabituel trahit son trouble. Que lui est-il arrivé ?
Un étrange bourdon, plus fin que gros, l'a touchée. A peine fut-elle frôlée. Ce n'est certes pas la première fois mais, au contraire des autres mâles rencontrés lors de ses nombreux vols, celui-ci n'a pas pris peur quand elle lui a ouvert son esprit (car parfois, les papillonnes en ont). C'est là qu'il l'a touchée, ce bourdon qui, tout comme elle, tient de l'araignée. Ils se sont envenimés l'un l'autre. Regardez là, elle gît sur le flanc, elle geint, s'empêtre dans ses ailes... Quelle pitié !
N'y aura-t-il personne pour l'aider à se relever, gifler l'impudent qui l'a mise dans un tel état ? Sachez le, la papillonne ne le souffrirait pas. Elle se lèvera seule.
L'ironie, savez-vous, c'est qu'alors que vous la voyez affaiblie, hébétée, un éclair de jouissance étire ses antennes. Elle jouit par avance de ce que le bourdon ne lui a pas encore fait.
"Cette papillonne est un fâcheux exemple pour notre belle jeunesse. Sans doute ses origines insulaires et tropicales expliquent ses moeurs. Quel manque de pudeur ! Quelle déchéance !"
Piquée au vif, la papillonne se relève, déplie ses ailes et s'avance. Les paroles offusquées du censeur l'ont ragaillardie et, d'une démarche langoureuse, elle se dirige vers les barreaux, se faufile et, sur le bord de la cage, elle prend son envol vers un plaisir certain.