Céleste

Publié le par Lita.s

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                                                                               psymage. Lita.S


Début d'une nouvelle ou d'un petit roman, je ne sais pas encore...
 Devenu un roman de... pour le moment 220 pages, pas encore termimé


        J'ai failli pousser un cri de joie. Ca aurait eu l'air louche. Je fais claquer mes gants de latex pour cacher ma fébrilité soudaine. Je ne relève pas la tête mais je sens sur moi le regard de Tristan Verneux le spécialiste que j'ai engagé l'an dernier.
        - Tout va bien, Céleste ?
        Je ne réponds pas tout de suite. Toujours l'oeil aux aguets, celui-là. Rien ne lui échappe… normal, c'est parce que c'est un pro que je l'ai engagé. Mais je déteste son air de bellâtre. Il ne manque pas une occasion de faire le paon. Tristan Verneux, tu parles d'un nom. Et lui qui en rajoute dans le grave en soulignant : « Verneux, c'est plutôt flatteur. Imaginez si je m'étais appelé Vercors… dans ce métier, ça aurait fait désordre, non ? » Et de retrousser ses lèvres sur des dents étincelantes en émettant un petit rire desséché.
        - Bien sûr que ça va ! Pourquoi ça n'irait
      - Oh rien, je remarque simplement qu'une goutte de sueur s'est formée sur votre front… Etant donnée la température qu'il fait ici, c'est étonnant, non ? D'où ma question.
        Qu'est-ce qu'il peut m'emmerder ! Non content de saisir la moindre occasion de m'effleurer la main lors des soins ou de la manipulation de nos clients, voilà qu'il m'épie maintenant. S'il n'était pas si doué, si pro, il y a longtemps que je l'aurais viré. Mais trouver un tel praticien, ça n'est pas si facile.
        - Je dois couver quelque chose. Bon, on s'occupe de celui-là dès que vous en aurez terminé avec madame Férule. On est déjà à la bourre et la famille va râler.
        - Bien bien, c'est vous la patronne. Délicieuse mais… patronne.

 

       Je ne relève pas. Quel con ! Comme s'il suffisait d'avoir la gueule de George Clooney pour que toutes les femelles tombent en pâmoison. Quant à sa tablette de chocolat quotidiennement entretenue à la salle de sport mais aussi, précise-t-il, en l'enduisant d'huiles et onguents… sous sa blouse ou son épais tablier, on s'en tape. Il a raconté à Célimène, l'hôtesse –qui évidemment s'est empressée de me le rapporter en gloussant- qu'il se rase les jambes et les roustons « …pour que le plaisir de ces dames soit complet. » A la repousse, je n'imagine pas le désastre ! Si jamais je le vois se dandiner, façon ça me gratouille le poireau, je saurai pourquoi. Bref ! Don Juan ne comprend pas que je ne succombe pas à son charme de latin lover.

        - Vous préférez peut-être les femmes ? A-t-il osé me demander une fois où, dans mon bureau, j'avais repoussé sa énième manoeuvre de séduction, fleurs à l'appui.

        Tu parles, des fleurs ! Il n'avait pas dû aller bien loin pour en trouver. Il avait suffit qu'il les arrange un peu différemment pour en faire un bouquet de soupirant. Je lui en ai collé une. Il s'est frotté la joue en souriant avant de retourner jouer du scalpel. J'ai continué à bouillir dans mon bureau et puis, comme toujours quand j'ai les nerfs à vif, j'ai fait feuilleté un de nos catalogues... ça a le pouvoir de me calmer. Oh ! Il n'est pas méchant, ce con. Et puis c'est flatteur, toutes ces attentions. Je ne peux pas dire qu'il y ait foule à mes pieds. Si j'excepte ceux que mon métier intrigue, peu d'hommes m'approchent avec des intentions aussi évidentes. De toutes façons, ce genre de galipettes ne m'a jamais intéressée.

       Avant de ranger le nouveau, je soulève encore une fois le drap. Ce spécimen est un vrai joyau. A regrets, je pousse le chariot au fond de son habitacle et je referme soigneusement la porte… Il ne manquerait plus qu'il s'abîme. J'ôte mon tablier, mes gants et à peine sortie de la chambre froide, je vois Célimène se ruer sur moi.
    - Madame, Madame… fait-elle en roulant des yeux comme si une armée de cannibales en voulait à sa peau parfaitement noire.
    - Que se passe-t-il, Célimène ?
    - Madame, c'est un groupe de la « Maison heureuse » qui a pris rendez-vous pour visiter.
    - Ah oui, je me souviens. C'est une idée de la nouvelle directrice pour emmener en ballade ses pensionnaires. Euh, vous voulez bien vous occuper d'eux ? Vous connaissez la maison par coeur. Et puis vous n'oublierez pas de faire partir la commande de fluide artériel.

 

    Célimène acquiesce d'un mouvement de tête tout en commençant son exposé.
    - Ils viennent réserver leur place ? Rigole Tristan Verneux. Marrant non, pour le troisième âge, que dis-je ? Le quatrième âge, la visite d'un funérarium. Si je mets un masque de « Scream », je peux accélérer le mouvement, vous ne croyez pas? 

 

    Je hausse les épaules et je regarde s'éloigner le petit groupe claudiquant tandis qu'avec son léger accent antillais, Célimène explique le fonctionnement de la Maison Lucrèce, fondée en 1823…

 

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